Thursday, May 25, 2017

Grèce, 15/06/2015

Article très clair.

bien à tous

Marc Molitor.

 

Grèce : la division des créanciers conduit à l'échec des discussions

Crise grecque Les discussions entre la Grèce et le FMI sont au point mort.
Les discussions entre la Grèce et le FMI sont au point mort. (Crédits : Reuters) Romaric Godin  |  15/06/2015, 10:25  -  1913  mots L'impasse dans laquelle se trouve les négociations s'explique surtout par l'incapacité des créanciers a adopter des positions cohérentes et réalistes.
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Les discussions - on n'ose plus guère parler de négociations - entre la Grèce et ses créanciers sont donc au point mort. Depuis que le FMI a claqué la porte vendredi 12 mai, les tentatives pour reprendre langue ont lamentablement échoué. Dimanche soir, les représentants du gouvernement grec sont rentrés à Athènes sans avoir pu trouver d'accord avec les représentants européens. L'option du défaut le 30 juin sur les remboursements de 1,6 milliard d'euros dus au FMI semble donc devoir se rapprocher.

L'échec : à qui la faute ?

Que s'est-il passé alors qu'un accord semblait sur le point d'être conclu mercredi soir ? Faut-il imputer cet échec, comme ne cessent de le faire les Européens, à « l'intransigeance » du gouvernement grec refusant de couper dans les retraites et d'alourdir le poids de la TVA ? Mais la position du gouvernement grec n'a pas changé depuis sa dernière proposition du mardi 9 juin. En réalité, Athènes n'a cessé depuis près de cinq mois d'assouplir ses positions et Alexis Tsipras, le premier ministre, est allé jusqu'au bout de ce qui est politiquement possible pour lui. Si mercredi, un accord a failli être conclu, c'était donc sur les mêmes bases que celles qui ont conduit à l'échec ce week-end.
Or, selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, on était proche d'un accord la semaine passée. Conformément à une information qui était parue alors, une alternative aux baisses des retraites a bien été recherchée, principalement en réduisant les dépenses militaires. Un accord sans doute fort acceptable par Athènes. Mais, toujours selon la FAZ, le FMI aurait refusé cet accord. Selon nos informations, la partie grecque ce week-end a proposé des « alternatives » pour couvrir l'équivalent des mesures exigées par les créanciers et refusées par les Grecs. Mais les Européens les ont repoussées sèchement. L'échec des discussions est donc bien à mettre au crédit du refus  de négocier et de la division des créanciers. « Depuis plusieurs semaines, il est impossible de comprendre ce que veulent les créanciers, ils sont extrêmement divisés », explique une source grecque proche du gouvernement. Et c'est bien cette division qui mène aujourd'hui la zone euro au bord du gouffre.

Pourquoi le FMI est parti

Le départ du FMI- ses représentants n'étaient pas dans les négociations du week-end - agit, du reste, comme un révélateur. Ce départ a pu surprendre de la part d'une des rares institutions qui avait entamé son mea culpa concernant les erreurs de l'austérité, avec le fameux « rapport Blanchard » qui reconnaissait une sous-estimation des « multiplicateurs budgétaires », autrement dit des effets de la consolidation budgétaire sur l'économie. Comment alors le FMI peut-il quitter la table des négociations en réclamant des baisses dans les retraites et une hausse de la TVA ? Autrement dit, comment peut-il consciemment reproduire les mêmes erreurs que celles qu'il avait reconnues ?

La volonté du FMI de restructurer la dette grecque

La réponse réside dans l'insistance du FMI à demander depuis plusieurs mois une restructuration de la dette grecque. L'institution de Washington agit en gestionnaire des fonds qui lui sont confiés par ses « actionnaires. » Il estime que le poids de la dette grecque est insoutenable. Contrairement à une idée reçue tenace et soutenue par plusieurs observateurs, les remboursements dus par la Grèce sont immenses et la dette est bien un problème urgent pour Athènes. Certes, le pays ne doit en théorie, rembourser qu'à partir de 2023 les Européens, mais rien que d'ici à 2020, il lui faut rembourser, par exemple, pas moins de 13,15 milliards d'euros au FMI. Sans compter les 21,87 milliards d'euros qui devront être remboursés à la BCE. Un total, hors dette à court terme, de 35 milliards d'euros dus en cinq ans, soit pas moins de 18,4 % du PIB grec actuel. Or, on le sait, la Grèce n'a pas accès au marché, elle doit donc financer ces sommes par de l'excédent budgétaire primaire ou par de nouvelles dettes auprès de ses créanciers. On comprend que le FMI juge la situation absurde, car elle l'est. C'est, du reste, ce que le nouveau gouvernement grec n'a cessé de dire. Ce lundi 15 juin, Yanis Varoufakis, dans une interview accordée à Bild Zeitung, rappelle qu'avec une restructuration de la dette, la Grèce n'a pas besoin de l'argent des créanciers. Cet argent que les créanciers ne veulent pas verser est en effet destiné non pas à payer la « folie » d'un Etat-providence grec qui serait trop généreux, mais à rembourser les créanciers eux-mêmes !

La logique du FMI

Dès lors que l'option de la restructuration était écartée par les Européens, le FMI n'avait qu'un souci : assurer le paiement de ses échéances. Et pour cela, il lui faut assurer à la fois des excédents primaires suffisants, une baisse « structurelle » des dépenses publiques et une hausse « structurelle » des recettes. D'où son insistance sur les retraites et la TVA. Sans vraie restructuration de la dette, le poids des remboursements pesant sur le budget grec est nécessairement lourd. Et les retraites représentant une charge immense pour ce dernier, il faut les baisser pour permettre au FMI de toucher ces fonds. Dès lors, remplacer une baisse des retraites par une baisse du budget militaire ne saurait convenir au FMI qui veut s'assurer que la charge des retraites progressera plus faiblement à l'avenir pour permettre à Athènes de le rembourser. Selon Olivier Blanchard, qui a posté sur son blog dimanche 14 juin au soir une « justification » de la position du FMI, la proposition actuelle des créanciers, incluant une baisse des retraites nécessitera tout de même une restructuration de la dette. Bref, dans sa logique, le FMI est allé au bout de ce qui lui est possible, tout comme le gouvernement grec. L'institution de Washington est désormais dans la situation de l'investisseur qui préfère « prendre ses pertes » en cas de crise boursière. Et est donc prête à assumer un défaut.

L'erreur des Européens

En face, les Européens se sont toujours refusé à discuter d'un quelconque aménagement de la dette. Politiquement, les dirigeants européens ne semblent pas disposés à assumer un tel pas. Angela Merkel a toujours promis à son électorat qu'elle sauverait l'euro à moindre coût pour le contribuable allemand et que les garanties de l'Etat fédéral ne seraient jamais activées. Certes, la dette due aux Européens n'est pas le problème le plus brûlant. Mais la BCE, engoncée dans les traités européens qui lui interdisent tout financement d'un Etat membre, ne peut engager de négociations sur la restructuration de la dette qu'elle détient. La solution évoquée par Athènes qui passerait par un rachat de cette dette par le MES pour ensuite la restructurer, ne convient pas davantage aux Européens. D'où cette volonté des créanciers de tout régler par les fameuses sacro-saintes réformes qui, dans la rhétorique dominante, seraient capables d'apaiser tous les maux, comme jadis les saignées des médecins de Molière. Mais cette pharmacopée n'est acceptable par le FMI qu'à forte dose et elle ne l'est par le gouvernement et la population grecs qu'à faible dose. D'où le blocage actuel.

La fracture intra-européenne

A cela s'est ajoutée une deuxième ligne de front au sein des Européens, ou, en réalité, au sein du gouvernement allemand entre une Angela Merkel réticente à prendre le risque du Grexit et un Wolfgang Schäuble prêt à prendre ce risque pour imposer une zone euro « ordonnée. » Cette divergence a conduit à une lecture de plus en plus difficile de la position des créanciers européens. Ceci s'est incarné dans les postures de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, qui a alterné depuis deux semaines les bouderies, les colères et les sourires face à Alexis Tsipras. Cette divergence a, en réalité, rendu la solution politique voulue par Athènes inopérante. Pour éviter la rupture avec son ministre des Finances, la chancelière a tenté d'amadouer par des paroles rassurantes le premier ministre grec tout en laissant la réalité des négociations aux « techniciens. » Or, ces techniciens européens ne pouvaient trouver de solution non seulement, comme on l'a vu, parce que, sans restructuration de la dette, il n'y a pas de solution viable, mais aussi parce que, comme l'explique une source grecque, « les négociations se font par sujets spécifiques de façon divisée, un accord global est donc impossible. » On comprend donc mieux la demande hellénique d'une « solution politique. »

Soumis à un programme inexécutable, les créanciers durcissent leur position

On a beaucoup glosé sur « l'irréalisme » du programme de Syriza et du gouvernement grec. Mais en réalité, Athènes a adopté une position réaliste en acceptant beaucoup de concessions. En revanche, le programme des créanciers était absolument inexécutable. En maintenant le stock de dettes grecques intact, les créanciers obligeaient la Grèce à reproduire les erreurs du passé. Le tout devait être accepté par un gouvernement fraîchement élu sur un rejet de cette logique, sans pousser la Grèce à sortir de la zone euro. Bref, ces positions étaient intenables. A moins, bien sûr, de se retrouver face à un gouvernement grec docile. Avec le départ du FMI, ces contradictions éclatent au grand jour. Les Européens tentent donc une dernière fois de faire céder Alexis Tsipras par une attitude de fermeté. Face à cette impasse, la position des Européens semble désormais se durcir. Sigmar Gabriel, le vice-chancelier allemand et président de la SPD social-démocrate, a ainsi changé de ton ce week-end en indiquant que son parti ne garderait pas la Grèce dans la zone euro à « n'importe quel prix. » Autrement dit, pour tenter de « rationaliser » leurs positions, les créanciers adoptent l'enchère la plus haute : celle du plan présenté voici dix jours. Car, finalement, ce qui unit le plus les créanciers restent leur volonté de dompter politiquement Athènes. Mais le gouvernement grec a prévenu hier qu'il n'accepterait jamais les coupes dans les retraites et la hausse de la TVA. Et, de sources grecques, on affirme que "l'on a été supris par la position" des créanciers

Manque de volonté politique

L'impasse dans laquelle sont les discussions rend forcément moins optimiste sur les capacités d'un accord avant le 30 juin. Et un Grexit devient de plus en plus probable. Certes, Yanis Varoufakis, dans Bild, estime « qu'un accord peut être trouvé dans une nuit », et l'Eurogroupe du 18 juin apparaît comme une dernière chance de parvenir à une entente. Mais ce qui semble désormais manquer, c'est la volonté politique des créanciers à trouver cet accord. Paralysés par leurs contradictions, ces derniers se réfugient sur une position dure qui, comme l'a remarqué le 5 juin Alexis Tsipras devant le parlement, semble nier l'existence de négociations. Sauf un sursaut au niveau politique peu probable au regard des événements de la semaine dernière, la Grèce devra désormais faire ce choix qu'Alexis Tsipras s'est toujours refusé à faire jusqu'à présent : rester dans la zone euro aux conditions des créanciers ou assumer son propre destin.
L'auteur
Romaric Godin
Romaric Godin  La Tribune.

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