Article très clair.
bien à tous
Marc Molitor.
Grèce : la division des créanciers conduit à l'échec des discussions
Crise grecque
Les discussions entre la Grèce et le FMI sont au point mort.
(Crédits : Reuters)
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15/06/2015, 10:25 - 1913 mots L'impasse dans laquelle se trouve les
négociations s'explique surtout par l'incapacité des créanciers a
adopter des positions
cohérentes et réalistes.
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Les
discussions - on n'ose plus guère parler de négociations - entre la
Grèce et ses créanciers sont donc au point mort. Depuis
que le FMI a claqué la porte vendredi 12 mai, les tentatives pour
reprendre langue ont lamentablement échoué. Dimanche soir, les
représentants du gouvernement grec sont rentrés à Athènes sans avoir pu
trouver d'accord avec les représentants européens. L'option
du défaut le 30 juin sur les remboursements de 1,6 milliard d'euros dus
au FMI semble donc devoir se rapprocher.
L'échec : à qui la faute ?
Que
s'est-il passé alors qu'un accord semblait sur le point d'être conclu
mercredi soir ? Faut-il imputer cet échec, comme ne
cessent de le faire les Européens, à « l'intransigeance » du
gouvernement grec refusant de couper dans les retraites et d'alourdir le
poids de la TVA ? Mais la position du gouvernement grec n'a pas changé
depuis sa dernière proposition du mardi 9 juin. En
réalité, Athènes n'a cessé depuis près de cinq mois d'assouplir ses
positions et Alexis Tsipras, le premier ministre, est allé jusqu'au bout
de ce qui est politiquement possible pour lui. Si mercredi, un accord a
failli être conclu, c'était donc sur les mêmes
bases que celles qui ont conduit à l'échec ce week-end.
Or, selon la
Frankfurter Allgemeine Zeitung,
on était proche d'un accord la semaine passée. Conformément à une
information qui était parue alors, une alternative aux baisses des
retraites a bien été recherchée,
principalement en réduisant les dépenses militaires. Un accord sans
doute fort acceptable par Athènes. Mais, toujours selon la FAZ, le FMI
aurait refusé cet accord. Selon nos informations, la partie grecque ce
week-end a proposé des « alternatives » pour couvrir
l'équivalent des mesures exigées par les créanciers et refusées par les
Grecs. Mais les Européens les ont repoussées sèchement. L'échec des
discussions est donc bien à mettre au crédit du refus de négocier et de
la division des créanciers. « Depuis
plusieurs semaines, il est impossible de comprendre ce que veulent les créanciers, ils sont extrêmement divisés »,
explique une source grecque proche du gouvernement. Et c'est bien cette
division qui mène aujourd'hui la zone euro au bord du gouffre.
Pourquoi le FMI est parti
Le
départ du FMI- ses représentants n'étaient pas dans les négociations du
week-end - agit, du reste, comme un révélateur. Ce
départ a pu surprendre de la part d'une des rares institutions qui
avait entamé son mea culpa concernant les erreurs de l'austérité, avec
le fameux « rapport Blanchard » qui reconnaissait une sous-estimation
des « multiplicateurs budgétaires », autrement dit
des effets de la consolidation budgétaire sur l'économie. Comment alors
le FMI peut-il quitter la table des négociations en réclamant des
baisses dans les retraites et une hausse de la TVA ? Autrement dit,
comment peut-il consciemment reproduire les mêmes
erreurs que celles qu'il avait reconnues ?
La volonté du FMI de restructurer la dette grecque
La
réponse réside dans l'insistance du FMI à demander depuis plusieurs
mois une restructuration de la dette grecque. L'institution
de Washington agit en gestionnaire des fonds qui lui sont confiés par
ses « actionnaires. » Il estime que le poids de la dette grecque est
insoutenable. Contrairement à une idée reçue tenace et soutenue par
plusieurs observateurs, les remboursements dus par
la Grèce sont immenses et la dette est bien un problème urgent pour
Athènes. Certes, le pays ne doit en théorie, rembourser qu'à partir de
2023 les Européens, mais rien que d'ici à 2020, il lui faut rembourser,
par exemple, pas moins de 13,15 milliards d'euros
au FMI. Sans compter les 21,87 milliards d'euros qui devront être
remboursés à la BCE. Un total, hors dette à court terme, de 35 milliards
d'euros dus en cinq ans, soit pas moins de 18,4 % du PIB grec actuel.
Or, on le sait, la Grèce n'a pas accès au marché,
elle doit donc financer ces sommes par de l'excédent budgétaire
primaire ou par de nouvelles dettes auprès de ses créanciers. On
comprend que le FMI juge la situation absurde, car elle l'est. C'est, du
reste, ce que le nouveau gouvernement grec n'a cessé de
dire. Ce lundi 15 juin, Yanis Varoufakis, dans une interview accordée à
Bild Zeitung, rappelle qu'avec une restructuration de la dette, la
Grèce n'a pas besoin de l'argent des créanciers. Cet argent que les
créanciers ne veulent pas verser est en effet destiné
non pas à payer la « folie » d'un Etat-providence grec qui serait trop
généreux, mais à rembourser les créanciers eux-mêmes !
La logique du FMI
Dès
lors que l'option de la restructuration était écartée par les
Européens, le FMI n'avait qu'un souci : assurer le paiement
de ses échéances. Et pour cela, il lui faut assurer à la fois des
excédents primaires suffisants, une baisse « structurelle » des dépenses
publiques et une hausse « structurelle » des recettes. D'où son
insistance sur les retraites et la TVA. Sans vraie restructuration
de la dette, le poids des remboursements pesant sur le budget grec est
nécessairement lourd. Et les retraites représentant une charge immense
pour ce dernier, il faut les baisser pour permettre au FMI de toucher
ces fonds. Dès lors, remplacer une baisse des
retraites par une baisse du budget militaire ne saurait convenir au FMI
qui veut s'assurer que la charge des retraites progressera plus
faiblement à l'avenir pour permettre à Athènes de le rembourser. Selon
Olivier Blanchard, qui a posté sur son blog dimanche
14 juin au soir une « justification » de la position du FMI, la
proposition actuelle des créanciers, incluant une baisse des retraites
nécessitera tout de même une restructuration de la dette. Bref, dans sa
logique, le FMI est allé au bout de ce qui lui est
possible, tout comme le gouvernement grec. L'institution de Washington
est désormais dans la situation de l'investisseur qui préfère « prendre
ses pertes » en cas de crise boursière. Et est donc prête à assumer un
défaut.
L'erreur des Européens
En
face, les Européens se sont toujours refusé à discuter d'un quelconque
aménagement de la dette. Politiquement, les dirigeants
européens ne semblent pas disposés à assumer un tel pas. Angela Merkel a
toujours promis à son électorat qu'elle sauverait l'euro à moindre coût
pour le contribuable allemand et que les garanties de l'Etat fédéral ne
seraient jamais activées. Certes, la dette
due aux Européens n'est pas le problème le plus brûlant. Mais la BCE,
engoncée dans les traités européens qui lui interdisent tout financement
d'un Etat membre, ne peut engager de négociations sur la
restructuration de la dette qu'elle détient. La solution
évoquée par Athènes qui passerait par un rachat de cette dette par le
MES pour ensuite la restructurer, ne convient pas davantage aux
Européens. D'où cette volonté des créanciers de tout régler par les
fameuses sacro-saintes réformes qui, dans la rhétorique
dominante, seraient capables d'apaiser tous les maux, comme jadis les
saignées des médecins de Molière. Mais cette pharmacopée n'est
acceptable par le FMI qu'à forte dose et elle ne l'est par le
gouvernement et la population grecs qu'à faible dose. D'où le
blocage actuel.
La fracture intra-européenne
A
cela s'est ajoutée une deuxième ligne de front au sein des Européens,
ou, en réalité, au sein du gouvernement allemand entre
une Angela Merkel réticente à prendre le risque du Grexit et un
Wolfgang Schäuble prêt à prendre ce risque pour imposer une zone euro
« ordonnée. » Cette divergence a conduit à une lecture de plus en plus
difficile de la position des créanciers européens.
Ceci s'est incarné dans les postures de Jean-Claude Juncker, le
président de la Commission, qui a alterné depuis deux semaines les
bouderies, les colères et les sourires face à Alexis Tsipras. Cette
divergence a, en réalité, rendu la solution politique voulue
par Athènes inopérante. Pour éviter la rupture avec son ministre des
Finances, la chancelière a tenté d'amadouer par des paroles rassurantes
le premier ministre grec tout en laissant la réalité des négociations
aux « techniciens. » Or, ces techniciens européens
ne pouvaient trouver de solution non seulement, comme on l'a vu, parce
que, sans restructuration de la dette, il n'y a pas de solution viable,
mais aussi parce que, comme l'explique une source grecque, « les
négociations se font par sujets spécifiques de façon divisée, un accord global est donc impossible. » On comprend donc mieux la demande hellénique d'une « solution politique. »
Soumis à un programme inexécutable, les créanciers durcissent leur position
On
a beaucoup glosé sur « l'irréalisme » du programme de Syriza et du
gouvernement grec. Mais en réalité, Athènes a adopté une
position réaliste en acceptant beaucoup de concessions. En revanche, le
programme des créanciers était absolument inexécutable. En maintenant
le stock de dettes grecques intact, les créanciers obligeaient la Grèce à
reproduire les erreurs du passé. Le tout
devait être accepté par un gouvernement fraîchement élu sur un rejet de
cette logique, sans pousser la Grèce à sortir de la zone euro. Bref,
ces positions étaient intenables. A moins, bien sûr, de se retrouver
face à un gouvernement grec docile. Avec le départ
du FMI, ces contradictions éclatent au grand jour. Les Européens
tentent donc une dernière fois de faire céder Alexis Tsipras par une
attitude de fermeté. Face à cette impasse, la position des Européens
semble désormais se durcir. Sigmar Gabriel, le vice-chancelier
allemand et président de la SPD social-démocrate, a ainsi changé de ton
ce week-end en indiquant que son parti ne garderait pas la Grèce dans
la zone euro à « n'importe quel prix. »
Autrement
dit, pour tenter de « rationaliser » leurs positions, les créanciers
adoptent l'enchère la plus haute : celle du plan présenté voici dix
jours. Car, finalement, ce qui unit le plus les créanciers restent leur
volonté de dompter politiquement Athènes. Mais
le gouvernement grec a prévenu hier qu'il n'accepterait jamais les
coupes dans les retraites et la hausse de la TVA. Et, de sources
grecques, on affirme que "l'on a été supris par la position"
des créanciers
Manque de volonté politique
L'impasse
dans laquelle sont les discussions rend forcément moins optimiste sur
les capacités d'un accord avant le 30 juin. Et
un Grexit devient de plus en plus probable. Certes, Yanis Varoufakis,
dans Bild, estime « qu'un accord peut être trouvé dans une nuit », et
l'Eurogroupe du 18 juin apparaît comme une dernière chance de parvenir à
une entente. Mais ce qui semble désormais manquer,
c'est la volonté politique des créanciers à trouver cet accord.
Paralysés par leurs contradictions, ces derniers se réfugient sur une
position dure qui, comme l'a remarqué le 5 juin Alexis Tsipras devant le
parlement, semble nier l'existence de négociations.
Sauf un sursaut au niveau politique peu probable au regard des
événements de la semaine dernière, la Grèce devra désormais faire ce
choix qu'Alexis Tsipras s'est toujours refusé à faire jusqu'à présent :
rester dans la zone euro aux conditions des créanciers
ou assumer son propre destin.
L'auteur
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